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Carabinix
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13 Oct 2010, 09:49 |
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Tout est dans le titre!
Citation: | Associer des insufflations à des compressions thoraciques pour réanimer un arrêt cardiaque extra-hospitalier par un premier témoin, c’est réellement 0 % de survie en plus …
La mort subite reste une importante cause de décès dans les pays industrialisés, affectant chaque année près de 350.000 personnes aux Etats-Unis et plus de 700.000 en Europe [1]. Plus de 50 ans après la démonstration de l’intérêt du bouche à bouche en 1958 par Peter Safar [2], puis des compressions thoraciques par Kouwenhoven et al. en 1960 [3], deux études randomisées viennent de donner un sérieux coup de grâce à la ventilation dans la réanimation initiale de l’arrêt cardiaque, tandis que la compression thoracique continue, appuyée, rapide (100 fois par min) reste bien la pierre angulaire de la réanimation cardio-pulmonaire (RCP) de base en attendant l’arrivée d’un défibrillateur (si possible disponible en lieu public), puis d’une équipe médicalisée.
La RCP a connu de nombreuses évolutions au fil des années. Plusieurs études animales ont bien démontré que toute interruption des compressions thoraciques [4 - 6] ou toute hyperventilation [7] étaient délétères. Chez le chien, la saturation artérielle en oxygène persiste longtemps à un niveau correct après induction d’un arrêt circulatoire par fibrillation ventriculaire et réalisation d’une RCP par compressions thoraciques seules [8]. Certaines études humaines retrouvent une survie similaire des arrêts cardiaques extra-hospitaliers, que la RCP soit réalisée avec ou sans insufflations. Déjà en 2000, les équipes de Seattle randomisent des patients victimes d’arrêt cardiaque en lieu public pour recevoir une RCP par les premiers témoins comportant soit des compressions thoraciques seules, soit associées à du bouche à bouche rapidement « enseignée » à distance par la régulation médicale. Aucune différence en terme de survie n’y est observée dans ce dernier groupe [9]. Dans une vaste étude observationnelle conduite de l’autre côté du Pacifique, au Japon (SOS Kanto), des résultats assez semblables sont colligés sur plus de 4000 victimes [10]. Des résultats semblables sont aussi rapportés par les Suédois [11]. Aujourd’hui encore cependant, les recommandations internationales indiquent que la RCP doit associer des compressions thoraciques à des insufflations orales ou instrumentales [12, 13].
Deux articles du New England Journal of Medicine [14, 15], regroupant respectivement 1941 et 1276 patients en Suède, à Seattle et Londres, jettent un nouveau pavé dans la mare, à l’heure où se finalisent les prochaines recommandations internationales de l’International Liaison Committee on Resuscitation (ILCOR), dont la publication est prévue avant la fin de l’année, et qui seront présentées au prochain congrès du Conseil Français de Réanimation Cardio-Pulmonaire (CFRC) les 15 et 16 décembre 2010 à Lille (http://www.forumurgence.org/). Dans ces deux études prospectives, les patients ayant présenté un arrêt cardiaque extrahospitalier ont été randomisés pour bénéficier d’une RCP de base soit par compressions thoraciques seules continues (sans insufflations), soit par RCP associant compressions thoraciques et insufflations selon les recommandations (mais avec une alternance 15/2 anciennement recommandée, 30/2 étant maintenant celles indiquée). Leur conclusion est sans appel : la survie des patients est similaire que la RCP soit réalisée avec ou sans insufflation. Une tendance à une meilleure survie est même observée avec une RCP par compressions thoraciques seules chez les patients en arrêt cardiaque de cause cardiaque avec un rythme initial en fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire. Il est d’ailleurs notable que toutes les études (les actuelles, comme la première de 2000) retrouvent cette tendance non significative, possiblement par un manque de puissance.
Ces derniers résultats, associés à la difficulté, à « la répugnance » et au risque à réaliser un bouche-à bouche, incitent à penser que la RCP par compressions thoraciques seules (plus facile à enseigner, à mémoriser et à réaliser) pourrait en augmentant l’incitation des premiers témoins à réaliser une RCP, ainsi augmenter les chances de survie des arrêts cardiaques extrahospitaliers.
Au vu de ces résultats, faut-il encore enseigner le bouche-à-bouche au grand public ? La technique est difficile, car elle nécessite une parfaite étanchéité et des voies aériennes libres. Elle induit des insufflations stomacales et distensions gastriques qui majorent les difficultés des insufflations et exposent au risque d’inhalation. Elle répugne le grand public, n’est pas sans risque dans la transmission de maladies infectieuses, et l’interposition d’un écran facial entre la bouche du sauveteur et celle de la victime ne minore pas le risque infectieux, tout en diminuant grandement l’efficacité des insufflations réalisées. Certaines études récentes semblent démontrer de plus un effet délétère de l’hyperoxie dans la réanimation des patients en arrêt cardiaque [16].
La RCP « classique » associant compressions thoraciques et insufflations doit donc garder sa place pour la réanimation des arrêts cardiaques « hypoxiques », mais doit être clairement rediscutée pour la réanimation des arrêts cardiaques extrahospitaliers lorsqu’une cause cardiaque est suspectée. Elle devrait permettre une simplification de l’enseignement du grand public, probablement une augmentation du taux de réalisation d’une RCP sur une victime en arrêt cardiaque, puis on l’espère une augmentation de la survie, associée bien sûr à l’installation plus importante de défibrillateurs en lieu public, et une formation plus grande de la population (grâce à des modules de formation de courte durée).
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[1] Jonas A & al. Cardiopulmonary Resuscitation History. Circulation 2006 ; 114 : 2839-49.
[2] Safar P & al. Ventilation Efficacy of Mouth-to-Mouth Artificial Respiration. Journal of the American Medical Association 1958 ; 167 : 335-41.
[3] Kouwenhoven WB & al. Closed chest cardiac massage. JAMA 1960 ; 173 : 1064-7.
[4] Kern KB et al. Circulation 2001 ; 104 : 2465 – 70.
[5] Kern KB et al. Circulation 2002 ; 105 : 645 – 9.
[6] Ewy GA & al. Improved neurological outcome with continuous chest compressions compared with 30:2 compressions-to-ventilations cardiopulmonary resuscitation in a realistic swine model of out-of-hospital cardiac arrest. Circulation 2007;116:2525-30.
[7] Hyperventilation-induced hypotension during cardiopulmonary resuscitation. Circulation 2004;109:1960-5.
[8] Chandra NC et al. Circulation 1994 ; 90 : 3070 - 5
[9] Hallstrom A & al. Cardiopulmonary resuscitation by chest compression alone or with mouth-to-mouth ventilation. N Engl J Med 2000 ; 342(21) : 1546-53.
[10]SOS-KANTO study group. Cardiopulmonary resuscitation by bystanders with chest compression only (SOS-KANTO): an observational study. Lancet 2007; 369: 920–26
[11] Bohm K, Rosenqvist M, Herlitz J, Hollenberg J, Svensson L. Survival is similar after standard treatment and chest compression only in out-of-hospital bystander cardiopulmonary resuscitation. Circulation 2007;116:2908-12.
[12] Circulation 2005, American Heart Association Guidelines for Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care , Volume 112, Issue 24 Supplement; December 13, 2005.
[13] Resuscitation, Volume 112, Issue 24 Supplement; December 13, 2005.
[14] Rea TD & al. CPR with chest compression alone or with rescue breathing. N Engl J Med 2010 ; 363 : 423-33.
[15] Svensson L & al. Compression-only CPR or standard CPR in out-of-hospital cardiac arrest. N Engl JMed 2010 ; 363 : 434-42.
[16] Kilgannon JH & al. Association between arterial hyperoxia following resuscitation from cardiac arrest and in-hospital mortality. JAMA 2010 ; 303 : 2165-71.
[16] Sun HY et al. Hypoxic postconditioning reduces cardiomyocyte loss by inhibiting ROS generation and intracellular Ca2+ overload. Am J Physiol Heart Circ Physiol 2005 ; 288 : H1900-H1908. |
Source:SFAR, sept 2010 |
_________________ Carabinix |
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Du_Bo
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Posté le:
13 Oct 2010, 10:07 |
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Bonjour,
Le sauveteur isolé a-t-il la possibilité de faire la différence entre les arrêts cardiaques « hypoxiques » et les arrêts cardiaques extrahospitaliers avec une cause cardiaque suspectée ?
D_Bo |
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fafoutch
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Posté le:
13 Oct 2010, 10:36 |
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Du_Bo a écrit: | Bonjour,
Le sauveteur isolé a-t-il la possibilité de faire la différence entre les arrêts cardiaques « hypoxiques » et les arrêts cardiaques extrahospitaliers avec une cause cardiaque suspectée ?
D_Bo |
j'allais le dire |
_________________ ça en 1, et puis aussi ça, niveau 2 |
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Carabinix
Référent SAP
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Posté le:
13 Oct 2010, 12:44 |
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L'enfant, le noyé, l'arrêt sur détresse respiratoire grave, l'asphyxié? On ne traite pas ces cas en PSC1? |
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SapLal
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Posté le:
13 Oct 2010, 12:56 |
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Et ben j'hésiterai encore moins à ne pas insuffler le jour où je serait secouriste seul sur ACR !!! (mais j'étais déjà couvert par le RN PSE... ^^)
@+ Sap'Lal |
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fafoutch
Passionné
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Posté le:
13 Oct 2010, 14:25 |
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hello,
le RN PSC1 ne nous indique il pas de faire en premier lieux des insufflation sur un ACR d'enfant/nourisson ?
"Le secouriste doit réaliser 5 insufflations initiales avant de
débuter les compressions thoraciques car la cause principale
de l’arrêt cardiaque chez l’enfant et le nourrisson est l’arrêt
de la respiration ou le manque d’oxygène."
Pour le reste des cas que tu indique, même si tu a raison, j'ai un gros doute sur la capacité du grand public de faire la différence entre l'un et l'autre, à part peut être l'obstruction brutale des VAS.
A suivre, sujet passionant. |
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SapLal
Référent MATERIEL
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Posté le:
13 Oct 2010, 14:46 |
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Carabinix a écrit: | L'enfant, le noyé, l'arrêt sur détresse respiratoire grave, l'asphyxié? On ne traite pas ces cas en PSC1? |
Ben cara nous indique bien ici les ACR d'origine hypoxique, dont le nourisson/enfant... Que n'as-tu pas saisi ?
@+ Sap'Lal |
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fafoutch
Passionné
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Posté le:
13 Oct 2010, 15:02 |
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Oui SapLal,
j'ai les neurones qui fatiguent !!
toutefois, jusqu'à maintenant, les stagiaires avaient déjà du mal à intégrer la spécificité "enfant/nourrisson" dans la RCP (dans les fait, beaucoup oublient de faire les 5 insufflations a priori, et ceci même lors de la formation)
Alors maintenant, exit cette spécificité pour en poser une encore moins évidente au yeux du grand public:
- c'est toujours plus facile de reconnaître un enfant qu' ACR Hypoxique chez l'adulte. Déterminer l'origine probable de cet ACR risque de poser un problème de plus dans les actions reflex du secouriste lambda. |
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